À l'origine de ce livre, un paradoxe : l'action outillée a été beaucoup plus étudiée chez l'animal, où elle est l'exception, que chez l'homme, où elle est la règle. Or c'est en faisant de cette action la règle ou le modèle de ses activités matérielles que l'espèce humaine s'est constituée en tant que telle. Dans le monde animal, l'action outillée ne fait intervenir que des automatismes corporels, qui peuvent certes rodés et perfectionnés par apprentissage, mais qui sont innés et dont la mise en oeuvre n'exige pas d'attention particulière. Chez l'homme, au contraire, l'outil implique un partage de l'attention et des aptitudes mentales tout à fait inédites. Comment de telles aptitudes ont-elles pu se développer ? Et si ce partage de l'attention entre fin et moyen était à l'origine de la conscience d'un réel ayant une existence indépendante, et par suite de la conscience de soi ? Ainsi, ce ne serait pas l'homme qui fait l'outil, mais bien plutôt l'outil qui fait l'homme...