Sur cet ensemble de photographies amateurs, trouvées sur un marché aux puces de New York en 2004, figurent des hommes habillés en femmes : maquillés et coiffés, ils prennent la pose, jouent au Scrabble ou jardinent – et manifestement, ils s’amusent beaucoup. Ces clichés ont appartenu à une certaine Susanna qui, entre 1959 et 1968, ouvre sa porte à tous ceux qui, comme elle, se travestissent en secret. L’espace de quelques jours, ils peuvent venir vivre librement en tant que femmes dans sa propriété des Catskill : la Casa Susanna. Ces hommes parfois mariés, pères de familles, appartiennent à la classe moyenne supérieure blanche. Ingénieurs, écrivains, comptables ou pilotes de ligne, ils incarnent le rêve américain et… sa face cachée. À partir de 1960, la parution d’une revue clandestine, Transvestia, leur permet de se rencontrer, de correspondre, de dépasser leur solitude et leur souffrance. Ces photographies bouleversantes et émancipatrices composent un chapitre essentiel de l’histoire politique des minorités sexuelles de l’Amérique d’après-guerre.